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INTRODUCTION
La botanique est l’étude d’un oisif
et paresseux solitaire (..).ll se promène, il erre librement d’un
objet
Les rêveries du promeneur solitaire.J. J. Rousseau. 1782.
à l’autre, il fait la revue de
chaque fleur avec intérêt et
curiosité, et sitôt qu’il commence à saisir les lois de leur
structure, il goûte à les observer
un plaisir sans peine
aussi vif que s’il lui en coûtait beaucoup.
Ceci n’est pas un traité de botanique, encore moins une
flore ou un guide de jardinage; notre propos est différent. Il s’agit d’attirer
l’attention du lecteur sur ce que J.J.Rousseau nommait les lois de la structure des fleurs.
Dans la mesure où l’on considère une fleur comme un édifice, il est même raisonnable de parler ici d’architecture. Et pourtant, cet édifice est un organe sexuel. Contrairement aux animaux chez lesquels ces derniers sont informes et peu esthétiques, chaque fleur suit des règles géométriques particulières qu’il est enrichissant d’étudier même si le pourquoi de cette disposition nous échappe encore totalement.
L’architecture des fleurs
Pour voyager parmi les fleurs sans trop se perdre, nous proposerons au lecteur deux lignes directrices lui permettant de s’orienter, un peu comme un guide touristique mentionne les styles visibles dans une église (roman, gothique, baroque, ..), tout en indiquant par quelle évolution a pu se faire le passage de l’un à l’autre, ce qui se fait en histoire de l'art.
Le premier fil d’Ariane, car il s’agit bel et bien d’un labyrinthe, concerne le nombre de pièces visibles dans une fleur (pétales, étamines, etc..). Nous verrons se dégager deux types dominés l’un par le nombre trois, l’autre par le nombre cinq.
Si, comme nous le verrons, ces deux nombres premiers élémentaires dominent l’univers des fleurs, ce n’est sûrement pas un hazard mais nous sommes bien loin de savoir pourquoi.
En tous cas, on les trouve bien exprimés dans deux immenses groupes de fleurs (ou plutôt de plantes à fleurs) que l’on nomme monocotylédones et dicotylédones.
Le second fil d’Ariane concerne l’évolution des inflorescences. Les fleurs solitairees comme la tulipe des fleuristes sont extrêmement rares; elles ont plutôt coutume de s’assembler en inflorescences plus ou moins compactes qui tendent, surtout chez les dicotylédones, vers la forme de l'ombelle, puis du capitule.
Nous nous efforcerons aussi d’attirer l’attention du lecteur sur un phénomène extraordinaire qui fait que des fleurs petites et nombreuses finissent souvent par s’assembler en imitant une grande fleur solitaire.
2. L'arbre généalogique
Le moindre ouvrage de vulgarisation publie l'arbre généalogique de divers vertébrés, les chouchous étant l'homme, les chevaux et bien entendu les dinosaures, mais on ne trouve autant dire jamais celui des plantes à fleurs.
Ce n'est pas vraiment un oubli. Depuis Darwin, les botanistes ont compris que les plantes comme les animaux dérivent les unes des autres. Ils se sont évertuée à établir leur arbre généalogique, mais leur sort est peu enviable car les plantes anciennes n'ont laissé que peu de traces, quelques empreintes à peine identifiables de feuilles et du pollen. Force est donc d’analyser les plantes actuelles et de discerner lesquelles présentent des caractères archaïques ou modernes et d’essayer de tracer leur généalogie de cette manière. La tâche est ingrate et difficile car chaque plante est à certains égards moderne et à d’autres primitive. Comme les critères choisis dépendent de l'intuition de chaque botaniste, on obtient des arbres généalogiques extrêmement différents.
Depuis moins d'une dizaine d'années, des biologistes ont réussi à analyser le code génétique de certains composants essentiels inclus dans la cellule végétale (noyau, ribosomes et chloroplastes). Leurs dernières découvertes ont sérieusement malmené tous les arbres généalogiques élaborés à ce jour. Celui que nous présenterons au fil de l’ouvrage et auquel nous proposons au lecteur de se reporter, se base sur les travaux les plus récents. Le lecteur ne devra donc pas trop s'étonner si ce classement des plantes à fleur ne correspond nullement à celui de ses encyclopédies, même modernes.
La diversité des fleurs
Nul n'en doute, la diversité des plantes à fleurs est impressionnante; les botanistes prétendent même en avoir nommé plus de 200.000 espèces! Tant pour le lecteur que pour l'auteur de cet ouvrage, ce nombre énorme n’a absolument aucun sens. Ces espèces ne se distinguent souvent entre elles que par de subtiles différences; beaucoup sont rares ou restreintes à des zones géographiques particulières.
Restons raisonnable. Combien de plantes (tulipe, rose, petunia, geranium ..) une personne de notre entourage est-elle capable de nommer avec quelque chance d’en reconnaître la fleur? Une petite enquête entre amis montre que ce nombre n’atteint que très difficilement la centaine, ce qui au fond n’est pas si mal !
Où trouver des fleurs?
Cet ouvrage a la prétention d’être un guide pratique, ce qui n’a de sens que si le lecteur a entre les mains la fleur dont on lui propose l’examen. Il faudra donc faire un petit effort pour la rechercher. De notre côté, nous avons choisi les plus grandes et les plus connues, en éliminant bien à regret soit des fleurs remarquables mais introuvables, soit des fleurs trop petites pour être commodément observées.
Comme son nom l’indique, un fleuriste peut nous vendre des fleurs intéressantes, mais en pratique pas plus d’une vingtaine de genres qui puisse convenir (lis, oeillet, arum, strelitzia, etc), car il nous faut éliminer sans états d’âme celles qui, comme les roses, sont déformées par la culture, en partant du principe que les moutons à cinq pattes donnent une idée fausse du mouton ordinaire.
Les autres fleurs sont disponibles dans les jardins et les parcs où tout jardinier amateur ou professionnel se fera un plaisir d’indiquer au lecteur la fleur qu’il cherche.
Notons que la nature "sauvage" autour de nous peut à peine nous venir en aide car, à part quelques irréductibles, plus personne ne se donne la peine d’herboriser une flore à la main à la manière de J.J. Rousseau. Dans cette catégorie, nous n’avons donc retenu que les plus évidentes, style pissenlit, primevère ou liseron.
Afin de suivre notre programme, tous les détails que nous pensons utile de signaler mais qui auraient encombré le texte ont été repris en notes. Ces dernières peuvent donc être lues à part. Seront évoquées toutes les plantes à fleur dont le nom est habituellement connu. Connaissant le nom populaire ou latin d'une plante, il sera ainsi possible de retrouver facilement leur architecture et leur degré d'évolution en consultant l'index.