Introduction.

 

Edition                   Couverture           Liste des ouvrages     
 


                            INTRODUCTION


Nos poids et mesures sont à ce point intégrés à notre langage qu'en faire un sujet de réflexion peut paraître incongru. Que peut-on bien dire du mètre, du litre ou du kilogramme? Et pourtant, ces mesures sont relativement récentes et restent exotiques pour des centaines de millions de personnes dans le monde qui pensent, elles, en inches, gallons et pounds. A cet égard, l'Occident fut définitivemcnt coupé en deux par l' avènement de ce qu'il est convenu d'appeler le système métrique.

Ce dernier a pour chacun de nous des relents d'école primaire. Il était autrefois une matière à part entière, généralement accolée à l' arithmétique, l'un soutenant et nourrissant l'autre. Les méthodes modernes d'enseignement, soi-disant actives, ont supprimé ces matières ou plutôt les ont complètemcnt dissoutes dans le cours dit de « mathématiques » .

Comme chacun sait, le système métrique est d'origine strictement Française; de nos jours, on dirait même qu'il est un « produit dérivé » de la Révolution Française car il fut voté et imposé en son temps par la Convention Nationale. Le mètre est le pivot incontesté de ce système, à tel point qu' Anglais et Américains nomment metrication le travail peu gratifiant et coûteux qui les mettra un jour au diapason des autres pays.

Ce fameux mètre manque de chaleur humaine; il n'y peut rien, c'est dans sa nature profonde. Conçu dans des lieux froids, style observatoires et laboratoires, il naquit d'une mère un peu excessive, la Terreur. Au cours d'une gestation de cinquante ans, fort difficile à vrai dire, la France faillit le perdre sous l'Empire. Ensuite, ce fut progressivement la reconnajssance mondiale. Un triomphe certes, mais aigre-doux, comme nous le verrons. Si le lecteur est né avant la dernière guerre mondiale, il se souviendra peut-être de la définition du mètre que l'on apprenait à l' école. Il s'incarnait, si l'on peut dire, à 0° centigrade sous forme d'une barre de platine iridié (très important !) déposée dans les caves d'un pavillon situé quelque part près de Paris. Cela évoquait une sorte de Graal caché en un lieu sacré et inviolable. Comme l'indique son histoire, ce bel objet matérialisait une forme de « pensée unique ».

Il est clair que le mètre est imprégné de politiquc depuis sa conception. En France, l' extrême droite célèbre les exploits de Jeanne d'Arc; la gauche, entre autres événements, l'invention du système métrique. Le fait que des personnages comme Napoléon Bonaparte, Ronald Reagan et Margaret Tatcher s'y soient opposés, dans la mesure de leurs moyens, semble confirmer cet aspect politique.

Si l' on insiste sur le mètre, c' est que toutes les autres mesures en dérivent. Pour nous rappeler sa naissance, il existe d'ailleurs une série de symboles républicains (mesure du globe, méridienne de Paris, règles de platine, cercle de Borda, etc,)

Mais le système métrique est aussi décimal, car il ne veut entendre parler que du nombre 10 comme diviseur et multiplicateur et utilise des préfixes (déca, hecto, kilo, milli, centi, déci.,.) issus du grec et du latin. De plus, les fractions ordinaires sont remplacées par les fractions dites décimales, inventécs en son temps par Simon Stevin de Bruges. Sur un récipient d'un quart de litre, nous écrivons 25 cl ou 250 ml, mais, pour calculer, nous notons 0,25 1.

De nos jours, l' opinion généralc, en tout cas dans nos pays, est que ce système s'est imposé dans le monde entier grâce à ses multiplcs qualités. Nous nous attacherons à montrer qu'il s'agit en grande partie d'une illusion. Les Anglo-Saxons ont promis de se mettre au système métrique, mais ils renâclent. On s' étonne parfois, chez nous, de la difficulté d'abandonner pouces, acres, miles et autres pieds, toutes unités réputées démodées et incommodes. Actuellemcnt, les épiciers anglais qui refusent d'utiliser le système métrique (dont ils n'ont que faire) risquent la confiscation de leur balance et sont passibles d'une amende maximum de 5 000 livres sterling (mais les juges n'iront sans doute pas jusque-là).

Nous avons l'intention, dans cet ouvrage, de montrer que le système métrique, tant dans sa version ancienne (1793-1795) que moderne (1960), est un système clairement totalitaire car ses inventeurs l' ont conçu pour couvri l'ensemble des mesures de l'espace, des poids, du temps et même des monnaies, Comme le disait, sans état d'âme, un directeur du Bureau international des poids et mesures :« La future prédominance absolue du Système Métrique ayant pour nous la valeur d'un dogme, nous considérons que toute entrave apportée à son expansion est une faute grave contre le progrès scientifique et social » .

Le système métrique, inventé par une poignée d' astronomes et de physiciens pendant la période la plus troublée et dictatoriale de la Révolution Française, fut imposé en prenant pour prétexte la disparité des unités de mesures et l'incapacité de l' Ancien Régime d'introduire les siennes par la contrainte. Il put ensuite se répandre à la faveur des conquêtes de la Révolution et de l'Empire, puis de l'unification de l'Italie et de l' Allemagne.

Notre démarche

1. Il serait déraisonnable d'évoquer l'origine du mètre sans se faire une idée claire des unités qu'il a remplacées et qui sont d'ailleurs encore largement en usage dans le monde. Nous insisterons donc sur l'importance du pied, le grand rival du mètre aujourd'hui comme hier, ainsi que sur le fait qu'il faillit acquérir une légitimité scientifique.

2. Pour faire comprendre la nature du mètre, nous évoquerons les mesures de la grandeur et de la rotondité de la Terre, mesures dont les astronomes français avaient le quasi monopole au XVIIIe siècle,

3. On trouvera exposé avec un certain luxe de détails la suite des événements qui ont donné naissance au mètre ainsi que sa laborieusc implantation entre 1790 et l840.

4. Dans le système métrique, toutes les mesurcs de surfaces, volumes et poids dérivent du mètre ; nous verrons que cela n'a rien d' évident du tout. Certaines unités comme le quintal, le tonneau et la bouteille, font d' ailleurs toujours de la résistance.

5. Nous suivrons de près une tentative avortée de diviser l'heure et la semaine de façon décimale.

6. Nous essayerons de comprendre pourquoi les Anglo-Saxons n'ont que faire du système métrique. Nous rappellerons que les Etats-Unis ont été le premier état au monde à choisir une monnaie décimale et seront les derniers à s'aligner sur le mètre. Par contre, les habitants du RoyaumeUni y sont actuellement ralliés, enfin, en théorie.

7. Pour expliquer le succès de la graduation de Fahrenheit dans ces pays, nous rappellerons l'histoire peu connue mais passionnante de la graduation des thermomètres.

8; Nous évoquerons aussi la décimalisation, à vrai dire fort imparfaite, de trois monnaies : le franc, le dollar américain et l'euro.

9. On confond souvent le Système Métrique, né pendant la Révolution Française, et sa version moderne et officielle, le Système intrenational des poids et mesures (SI). Ce dernier, sur le plan des principes, est un succès incontestable des principes fondamentaux du système originel, mais il est peu probable qu'il sera utilisé par les populations dans un avenir prévisible. Pour s'en convaincre, il sera nécessaire d'aborder quelques principes élémentaires de physique.

10. Nous verrons pour conclure que l'application des principes durs et purs du système métrique dans notre société comporte un tel nombre d'exceptions que ses chances de progrès ne sont pas si évidentes qu'on l'imagine. A cela s' ajoute le fait que les normes se diversifient spontanément sous l’effet du commerce et que l'utilisation pratique des unités de mesure tend à disparaître dans la vie de tous les jours. Enfin, l'informatique rend obsolète les avantages pourtant incontestables des fractions décimales puisque tous les calculs se font désormais par calculettes ou ordinateurs.

Nous avons indiqué en annexe les trois états du système métrique, à savoir sous la Terreur, sous l'Empire et sous Louis-Philippe.

Cet ouvrage étant relativement polémique, nous avons cité les textes originaux chaque fois que l' occasion s'en présentait afin de ne pas trahir les intentions des protagonistes de tous bords.